Josiane & Remi nos facteurs
(article paru dans Sergy-Info No 38 – octobre 2009)
Quand je dis à Rémi qu’on va commencer l’interview, il m’explique d’entrée qu’il n’a RIEN A DIRE … 35 minutes plus tard, je suis obligé de l’arrêter pour laisser une chance à Josiane d’en placer une ..
Rémi est un vrai faux vieux Sergien (à prononcer avec des cailloux dans la bouche) !
Enfant, Il venait à Sergy tous les 15 jours déjà du temps de ses grands parents (Charles Jarnier), il passait également un mois de vacances à Sergy et un mois en Italie chez son père. En 83 il est facteur à Lyon et 5 ans plus tard il demande à venir à Sergy.
Il commence par être remplaçant sur tout le pays de Gex, il fait des tournées sur Divonne, Gex, et fini par ‘péter un câble’ sur un remplacement à Ferney, et se retrouve à St-Genis.
Quand on lui demande si les choses ont beaucoup changé entre 1980 et 2009, la réponse arrive sans hésitation : les choses ont surtout totalement changé en moins de trois ans ! Tout doit être rentabilisé, formaté, le temps du facteur qui connaissait les habitants de sa tournée,et qui passait un peu de temps avec eux, est complètement révolu, et Rémi le regrette vraiment.
Ce qui lui importe le plus, c’est le contact avec les gens, ça va dans les deux sens, comme Rémi le dit : « Nous pouvons apporter un peu aux gens et eux nous le rendent magnifiquement ».
Quand Rémi n’est pas facteur, on peut le trouver sous un autre uniforme, celui de l’Echo de Crêt de la Neige, la Fanfare de Sergy. Il fait partie du ‘Conseil de la Fanfare’ et officie en tant que trompettiste. Il a commencé tout jeune, entre 10 et 13 ans (l’apéro commençant à faire son effet les notions de temps se font plus vagues …). Ses parents lui ont proposé de faire de la musique, et Rémi s’est fixé sur la trompette. Il a ensuite passé dans un orchestre d’accordéons, il a même participé à un 33 tours, qu’il a d’ailleurs toujours à la maison.
En 88, il arrête définitivement l’accordéon. Il y a une dizaine d’années quelqu’un qui avait remarqué sa trompette à la maison, l’a mis au défi de la reprendre. Les chiens ne faisant pas des chats, son fils est également tombé ‘dedans’ quand il était petit, et il joue lui aussi de la trompette au Crêt de la Neige.
Parfois on peut voir Rémi arriver au bureau de la Poste avec son embout et ses partitions et l’entendre s’entraîner au grand dam de ses collègues, incapables de reconnaître l’air que Rémi est en train de répéter, tout en préparant sa tournée. Rémi répète d’ailleurs entre 12 et 15 heures par semaine !
Pendant longtemps il n’a pas trop parlé d’une autre passion qui lui tient à coeur, en effet annoncer, il n’y a pas si longtemps, qu’on collectionne des BD vous envoyait directement à la case ‘ado-retardé’ sans passer par la case ‘culture’… Heureusement, aujourd’hui cette activité est enfin reconnue par le monde culturel et avec le recul, vu le nombre de pièces rares qui constituent sa collection, il serait même plutôt considéré avec envie par certains professionnels !
Rémi collectionne donc des BD : il en possède plus de 15’000, rangées soigneusement, il a même sacrifié plusieurs pièces chez lui, à cette passion envahissante! Là aussi Il a commencé enfant, et comme à l’époque il n’y avait que la TV avec ses deux chaînes, il s’est vite intéressé à d’autres choses. Son argent de poche lui a permis de se payer une BD par semaine et il ne s’est plus arrêté (à part devant la Maison de la Presse!). Ses débuts c’étaient Akim – Tarzan, les éditions Marvel, Spiderman etc… ses préférences vont au ‘comics’ américains. Il pousse le vice jusqu’à avoir les versions françaises ET Italiennes !
Cela dit Rémi n’est pas franchement du genre à exhiber sa collection et c’est en toute discrétion qu’il se livre à ce hobby. Avec son cousin, il songe cependant depuis des années à monter un site (français italien) qui répertorierait toutes ses BD, toutes les couvertures, toutes les références, et pourquoi pas des résumés, à destination d’autres Bédéphiles. Il va lui falloir informatiser ce projet et Rémi est déjà pratiquement équipé en ordinateur … Enfin le sien est toujours dans un carton chez sa soeur depuis des mois et il a réussi à mettre le feu à l’alimentation de l’ordi à la première tentative de s’en servir, du coup, le carton est bien là où il est …
Josiane, elle, débarque le 1er janvier 83 arrivant de Ferney Voltaire,
Au départ elle est laborantine, mais elle se retrouve à la poste. Au début ne sachant même pas monter à vélo, elle emmène sa bicyclette avec elle… Elle sera une des premières femmes du département, naturellement un peu mal considérée par ses collègues dans ces années là, les remarques sympas du style ‘va donc garder tes gosses’ sont régulières, on lui pend sa bicyclette en hauteur de manière à ce qu’elle n’arrive pas à l’attraper, finement on lui planque ses clé de voiture. Mais bon ça a fini par s’arranger. Elle est nommée à Vénissieux Minguettes ! Là, pour le coup les choses se passent à l’arme blanche ! Il a fallu qu’elle s’accroche, puis elle arrive à St-Genis et là on lui annonce qu’elle fera la tournée dont personne ne veut : celle de SERGY ! Cela lui prendra 6 mois pour faire sa place et depuis elle se sent comme chez elle sur cette tournée. elle connaît tout le monde, les petits bouts de chou qui sont maintenant devenus de grand bouts de chou, elle a joué les ‘facteurs du coeur’ avec des gens qui s’envoyaient des petits mots, mais qui n’avaient pas de quoi mettre des timbres sur leurs mots doux ! Ca partait de Sergy-Bas pour remonter à Sergy-Haut et on guettait son retour planqué dans les buissons de Sergy-Bas ! Elle donne aussi occasionnellement dans le ‘facteur social’ : une personne âgée refusant l’infirmière, c’est Josiane qui doit l’aider à passer ses bas de contention !
Elle s’est attachée à Sergy comme à une grande famille. Ce sont ses petits pépés et ses petites mémés et quand l’un ou l’autre s’en va, elle a du mal à suivre l’enterrement mais cela ne l’empêche pas de s’arrêter discrètement au cimetière et de passer un petit moment avec eux, en tête à tête. Il lui arrivait aussi de tricoter des petits chaussons et de les mettre dans la boite aux lettres quand il y avait une naissance, mais maintenant, comme on ne sait plus bien ce qui se passe chez les gens, elle n’a plus beaucoup l’occasion de le faire.
Elle connait à peu près tout le monde, facteur c’est un métier qui vous fait rentrer chez beaucoup de monde, alors il faut savoir se montrer discret. La discrétion c’est d’ailleurs une des qualités primordiale quand on exerce ce métier. A Sergy, dit-elle, les gens m’ont aidé sans même le savoir à un moment où j’avais de gros problèmes, le fait de partir en tournée me faisait oublier mes soucis, même si je ne parle pas de mes problèmes, la rencontre avec les gens, m’apporte énormément et m’a aidé à surmonter mes propres problèmes. j’ai reçu des petites marques d’affection, des petits codes : la pince à linge sur la boite aux lettres, et on trouve une bouteille d’Orangina dans la boite aux lettres parce qu’il fait une chaleur torride ce jour là…
Quand elle n’est pas factrice, elle mène sa carrière de Grand-Mère, c’est très important pour elle ! Elle a appris à jouer de la guitare, un peu sur un pari.
Elle raconte : je m’étais un peu frictionné avec mon fils à qui je reprochais de trop fumer. Comme je lui disais qu’arrêter de fumer c’était avant tout une question de volonté, qu’il suffisait de le vouloir pour le pouvoir, il m’a mise au défi d’apprendre la guitare puisque c’était si simple de faire ce qu’on voulait. Je me suis retrouvée à chercher un professeur et j’ai pris des cours, ce qui d’ailleurs m’a bien plu et j’ai carrément appris une chanson en entier ! Malheureusement je n’ai plus de prof, elle est partie faire ‘psycho’ et pour moi travailler toute seule ce n’est pas terrible, surtout que je n’ai pas vraiment l’oreille musicale. Mais je vais m’y remettre parce que ça me changeait vraiment bien les idées et j’adorais ça. Je me suis également inscrite à la bibliothèque de Sergy à ses début, mais je n’ai pas le temps lire ! C’est frustrant. Je fais de la décoration, des robes de mariée, de la pâtisserie, je suis allé récemment à un cours de cartonnage au crêt des arts de Sergy.
Donc Josiane touche à tout, adore apprendre des nouvelles choses ce qui fait qu’elle finit par avoir tellement de choses à faire qu’elle n’arrive plus à suivre… Il lui est arrivé de faire une décoration pour un mariage et de faire 2000 fleurs en crêpon, ça lui a pris trois jours pour faire la décoration et de voir la tête des invités qui sont arrivés a été sa vraie récompense. .
Son rêve serait de tenir un petit café de village, et y retrouver plein de monde. Sergy à l’époque comptait deux ou trois bistrots dont certains particulièrement folkloriques qui feraient peut-être hurler le service d’hygiène actuel, mais il y avait de la vie et les gens se retrouvaient volontiers chez ‘La Rose’ par exemple, bon, il fallait déjà savoir où il se trouvait… Maintenant tout cela est fini, et comparativement Sergy est devenu un peu trop tranquille.
Quand elle ne travaille pas ça lui tombe vite sur le moral, comme Josiane le dit : Il me faut les autres, parce que je vis à travers les autres.
Rémi et Josiane ont en commun ce sens du ‘social’ chevillé au corps, ce besoin de contact avec les gens et ils se retrouvent complètement sur cette aspect primordial de leur métier : ‘La Tournée’, c’est vraiment ce qui les motive et leur fait oublier les petits tracas de la vie quotidienne, voire même l’évolution d’un métier qui leur a donné tant de satisfactions. Nos deux facteurs de Sergy, des dinosaures en quelque sortes, une espèce en voie de disparition…